La reine d’Espagne vient nous visiter. Qu’est-ce qu’on fait ? Appelons le ministre du Tourisme, de la Planification, des Finances ? Parlons de projets pour développer le tourisme en Haïti, pour attirer des investisseurs espagnols ? Non, dans le menu, il n’y pas un tour à MUPANAH, ni à la Citadelle Laferrière ni au Fort-Jacques, encore moins une visite à la plage. Mais plutôt, il faut aller à Cité-Soleil, montrer la misère de nos compatriotes, exposer la crasse de ces enfants moitié nus, ventres affamés, qui sillonnent ces rues sales et décorées par des maisonnettes en carton. Non, dirigeants, politiciens, citoyens haïtiens, parlons sérieusement du développement du tourisme. On ne doit plus vendre la misère aux étrangers qui viennent nous visiter.
Pour fouetter l’orgueil du gouvernement soi-disant bananier, les Dominicains ont préféré faire visiter la reine Leticia, à un vrai champ de bananes organiques à Los Tramojos, Azua. Cette fois, ils ont étalé des boîtes, des containers prêts pour l’exportation. Diana, la propriétaire des champs, fièrement parle de ses chiffres d’affaires. “Jamais dans ma vie je ne pensais que ce rêve allait se réaliser, je me sens fière, heureuse. » Je sens une femme extraordinairement bien préparée pour cette visite”. Il ne lui a fallu que huit hectares pour monter sa plantation de bananes. Son profit dépend surtout de la main-d’œuvre abondante et à bon prix, de ces agriculteurs haïtiens qui représentent plus de 60% du total de ses travailleurs mal payés.
Ce ne fut pas un film de propagande ou de campagne, louant les capacités de businessman d’un candidat, dans la production et l’exportation de la banane. Au fat, où sont passés les champs de bananes de M. Jovenel Moïse? Quels sont les chiffres de production ? Peut-on voir un rapport financier de cette compagnie dont M. Jovenel Moïse fut le seul administrateur et gérant ? Existe-t-elle encore ? Quelle est la contribution en taxes aux caisses de l’État, provenant des bananes exportées ?
Lors du voyage officiel de la reine d’Espagne en Haiti, aucun accord n’a été signé, aucun traité entre les deux pays non plus. Les Dominicains, eux, ont eu un hôpital comme promesse. Dans le cas d’Haïti : nada. Comme il est devenu une mauvaise pratique chez nous, on reçoit des célébrités tout simplement. On pose pour une photo devant la caméra, on fait des dépenses somptuaires et très généreuses envers nos invités à la fois riches et mesquins. Les banderoles et les grands panneaux de bienvenue sont partout dans la ville et surtout sur la route de l’aéroport. Et sans oublier, il faut toujours trouver des enfants pour saluer nos amis avec ces déhanchements inappropriés pour certains, immoraux pour d’autres, mais toutefois divertissants pour nos dirigeants.
Cette politique basée sur la promotion de la misère, a servi à plus d’uns pour se remplir les poches dans des projets bidon de développement. C’est une forme vile et inhumaine d’exploitation d’une nation qui vit dans la crasse. Elle n’encourage pas le développement économique du pays. Bref, il convient de se questionner sur le rôle des ministères du Tourisme, de l’Économie et des Finances, du ministère de la Planification, dans l’organisation des voyages de nos dirigeants à l’étranger et certainement le bien-fondé de ces visites en Haïti de dirigeants étrangers qui, à part quelques photos de célébrités, n’apportent rien de concret au peuple Haïtien. Cessons ce tourisme de la misère !
.Rodelyn Almazor