Cette semaine a été marquée en partie par les festivités relativement improvisée du président Jovenel Moïse qui en a profité pour distribuer des téléviseurs, des bons d’achats, des cadeaux mais surtout une voiture flambant neuve à une fillette pour des déhanchements sexistes et vulgaires (gwo kout gouyad), tout ça, pour la joie du couple présidentiel qui, bien sûr, a chaudement applaudi la fillette d’environ neuf (9) ans. Cet acte de la présidence, qui dégrade un peu plus cette fonction, est très critiquée, non seulement parce que c’est indigne de la fonction, mais aussi parce que ce spectacle de danse sexiste exécutée par une fille d’âge mineure, est inacceptable en plein cœur de la capitale. Toutefois, le gouvernement et la présidence, comme toujours, essaient de dédramatiser la situation.
D’un côté, plusieurs organismes féministes se sont dit profondément indignés du spectacle offert par Jovenel Moïse. « Nous sommes profondément blessées du scénario qui s’est produit au Champ-de-Mars, le lundi 18 juin dernier. En effet, ce qui était censé être une activité récréative, liée à la Coupe du monde, s’est transformée en humiliation publique de citoyens et citoyennes, notamment des enfants. Nous sommes doublement blessées du spectacle de cette fille de 9 ans, contrainte de se mettre en scène de façon «hypersexualisante», en échange d’un cadeau empoisonné qui ne fait pas son âge. De telles pratiques légitiment l’exploitation sexuelle des mineures ainsi que les violences faites aux femmes et aux filles. Elles participent également de l’instrumentalisation de la vulnérabilité et du corps des femmes à des fins politiciennes. L’événement, qui s’est produit au Champ-de-Mars, nous propulse au temps de la dictature des Duvalier où les autorités étatiques jetaient de l’argent par terre aux citoyens et aux citoyennes, alors qu’aucune politique de développement et de création de richesse n’était mise en œuvre. Nous rappelons au Président Jovenel Moïse qu’il est garant de la bonne marche des institutions et du respect des lois de la République. Á cet effet, il a la responsabilité de veiller à la stricte application des conventions internationales, ratifiées par Haïti, lesquelles font partie intégrante de la législation nationale. Citons, notamment la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et celle relative aux droits de l’enfant qui consacre les droits des femmes et des filles à vivre dans un environnement sain et libéré de toutes formes de violence. Nous portons également à l’attention du Président Jovenel Moïse que le pays traverse une période particulièrement difficile. En effet, les données disponibles indiquent une accentuation des violences de genre et de la féminisation de la pauvreté. Nous assistons également à l’accroissement et à l’exploitation systématique de messages et d’images dégradants et dévalorisants des femmes à travers les productions artistiques et culturelles, notamment la musique et la publicité.»
D’autre part, l’équipe Tèt Kale croit que c’est normal. « Ce n’est pas la première fois que ce genre d’activité est organisée dans le pays », scande le ministre de la Culture et de la Communication, Guyler C. Delva, pour justifier le fait que la fillette se déhanchait en présence du président de la République, au Champs-de-Mars, le lundi 18 juin dernier. Le ministre dément que le concours de danse ait été organisé par le président de la République. Selon lui, il s’agissait d’un concours improvisé. Le ministre Delva souligne que la décision d’octroyer le prix à la fillette était le choix du public. Le ministre de la Culture et de la Communication dit, par ailleurs, reconnaître que la façon dont la fillette se déhanchait peut susciter l’indignation chez certains. Cependant, il met en avant l’opportunité offerte à des membres de la population, notamment des couches les plus démunies, pour s’en sortir. Ne pouvant justifier l’injustifiable, les porte-paroles de la présidence ne veulent pas réagir sur ce qui semble être un concours de « gouyad » au Champ-de-Mars où une fillette a été récompensée pour ses prouesses, d’une voiture neuve par le président de la République. Ils sont visiblement embarrassés par le dossier. Ils refusent tout commentaire. « Je ne pense pas que nous ayons de position là-dessus », a balancé au Nouvelliste, l’un des quatre porte-paroles de Jovenel Moïse, joint par téléphone mercredi. Un autre a clairement fait savoir au journal qu’il ne se sent pas en mesure de parler sur ce dossier. Probablement embarrassé par les déhanchements de la fillette et par la dame qui interprétait maladroitement l’hymne national, sous les regards souriants du président de la République, de la première dame et des membres du gouvernement. Cependant, le conseiller spécial du chef de l’État, Guichard Doré, tente de relativiser la situation. Alors que tout le monde ou presque s’insurge contre le comportement du couple présidentiel qui regardait, l’air joyeux, une fillette se déhanchée au Champ-de-Mars, M. Doré estime que la situation n’est pas si critique puisque, selon lui, la fillette était accompagnée de ses parents. Pour lui, la fillette n’a pas été récompensée d’une voiture neuve de la part du chef de l’État pour ses « gouyad ». Au lieu de critiquer le président de la République, il croit qu’on devait de préférence questionner les parents de la fillette pour savoir s’ils ne sont pas contents du cadeau de Jovenel Moïse. « Le bonheur est toujours personnel », a-t-il dit. Il faut souligner que le Palais national a même publié sur les réseaux sociaux, la photo de la fillette au volant de la voiture neuve, à côté du président de la République. D’un autre côté, il y avait cette dame qui interprétait de façon maladroite, l’hymne national, en présence du président Moïse et d’autres membres du gouvernement qui riaient de l’ignorance de la jeune femme. Guichard Doré estime que personne ne devrait s’étonner de voir la vidéo dans laquelle cette dame fait une interprétation grotesque de l’hymne national. Pour lui, cette dame est un échantillon de la société, qui devait nous interpeller sur l’éducation à la citoyenneté. Pour le conseiller de Jovenel Moïse, si on faisait un test, on serait étonné de voir le nombre d’Haïtiens qui ne connaissent pas l’hymne national. Bien qu’ayant relativement raison sur cette dernière remarque, cela ne justifie nullement la fierté du chef de l’État de ridiculiser le pays et cette dame. Et qui sait, peut-être que ni lui ni les membres de sa famille non plus, ne connaissent notre hymne national et ne pourraient faire mieux.
Saintus Emmanuel