« Il faut beaucoup de naïveté ou de mauvaise foi pour penser que les hommes choisissent leurs croyances indépendamment de leur condition », a dit Claude Levi-Strauss. Et pourtant, Beaumarchais nous avait prévenus : « sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur ! » Quand on observe le comportement rampant ou servile d’un sénateur de la République, on peut redouter que la bien-pensante générale et la pénéplaine des sans-opinions ne viennent parfumer l’air du temps de leurs fragrances perverses. Le sénateur Joseph Lambert est un homme qui accepte sans sourciller un ruban rose que lui jette le pouvoir, en guise de prime pour sa servilité. Le mardi 5 juin, à l’initiative de la Commission Justice, Sécurité et Défense du Sénat, une rencontre a été tenue entre les membres du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) et les sénateurs de la République. Le CSPN devait s’expliquer sur l’arrêté présidentiel, en date du 28 mai 2018, limitant les prérogatives du directeur de la Police Nationale d’Haïti (PNH), Michel-Ange Gédéon. En marge des échanges, le président du Sénat, Joseph Lambert, a déclaré que les décisions prises en Conseil des ministres sont d’application, sinon ce sera de l’insubordination, pour signifier au directeur de la PNH, Michel-Ange Gédéon, qu’il n’a d’autres choix que de se plier. « Le Conseil des ministres est la plus haute instance décisionnelle au niveau de l’exécutif. Par conséquent, toute mesure adoptée en Conseil des ministres doit être appliquée par celui qui doit l’appliquer. Sinon, ce sera un acte d’insubordination », a déclaré Joseph Lambert. Et de poursuivre que le fait que le Conseil constitutionnel n’existe pas, on ne peut pas attaquer une décision du Conseil des ministres. Le sénateur Kedlaire Augustin, président du bloc majoritaire, au cours de la séance, a fait une proposition consistant à solliciter une séance spéciale de travail entre les membres de l’exécutif et le directeur général de la Police nationale, « en vue de faciliter de meilleurs rapports en matière de gestion de sécurité publique ». Cette proposition porte les signatures des sénateurs, Kedlaire Augustin, Carl Murat Cantave, Patrice Dumont, Jean Rigaud Bélizaire, Jean Renel Sénatus, Fransner Dénius, Youri Latortue, Walnique Pierre, Dieupie Chérubin, Saurel Jacinthe, Garcia Delva et Hervé Fourcand. Certains des sénateurs signataires de cette proposition avaient vertement critiqué la décision du CSPN qui, selon eux, cherchent à avoir le contrôle de la Police nationale, au détriment de la loi qui limite le pouvoir du Conseil Supérieur de la Police Nationale sur le travail de la Police. De son côté, le sénateur Youri Latortue a fait savoir que cet arrêté est « illégal ». « L’arrêté présidentiel ne peut pas modifier l’article 13 de la loi du 29 novembre 1994 portant création et fonctionnement de la PNH », a dit Youri Latortue. Le parlementaire avait rappelé que l’article 13 de cette loi prescrivait que « le CSPN donne son avis sur toutes les questions touchant à la règlementation générale, la formation et le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière, la rémunération des membres de la police ».
Par ailleurs, le premier ministre Jack Guy Lafontant est de nouveau dans le collimateur des députés de l’opposition, après la trêve due aux vacances parlementaires. En effet, ce groupe de députés continue à mettre de la pression sur le président de la Chambre basse, Gary Bodeau, pour ne pas céder aux louvoiements des élus Tèt Kale, dont la majorité ne veut nullement entendre parler de cette question. « Nous ne sont pas les seuls à comprendre qu’on doit débarrasser le pays d’un PM complètement effacé. Le malaise et les insatisfactions liés à l’incapacité du gouvernement Lafontant sont palpables. Nous ne sommes pas les seuls à le voir. Nous ne cherchons pas à installer un climat d’instabilité dans le pays. Il est déjà dans l’instabilité avec Jack Guy Lafontant comme Premier ministre », a fait savoir le député de la commune de Mirebalais (Plateau Central), Abel Descollines.
Saintus Emmanuel