Le 21 avril 2015, par arrêté présidentiel, le gouvernement haïtien avait déclaré la date du 26 avril : « Journée nationale du Souvenir à la Mémoire des Victimes de Fort Dimanche », en souvenir des massacres perpétrés dans le pays par le régime dictatorial de François Duvalier, en 1963, et par les militaires au lendemain de la chute de la dictature en 1986. Deux dates fatidiques pour le peuple haïtien : 26 avril 1963 et 26 avril 1986. La première rappelle les souvenirs funestes du massacre orchestré par le tyran Papa Doc, devant les locaux du centre d’incarcération Fort-Dimanche, et la tuerie d’un nombre inconnu de personnes dans les rues de Port-au-Prince.
Le jeudi 26 avril 2018, des centaines de personnes, en majorité, des élèves de plusieurs écoles, ont pris part aux activités de commémoration de la « Journée Nationale du Souvenir à la Mémoire des Victimes de Fort Dimanche ». Ces activités, réalisées à l´initiative de la fondation Devoir de mémoire, ont débuté avec l’exposition de plusieurs dizaines de photos de victimes de la dictature, sous le titre « Dictature et Résistance », à l’auditorium des Frères Salésiens à Côte-Plage (Carrefour, périphérie sud). C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu, ensuite, les conférences du sociologue Laënnec Hurbon et de l’ancien ministre de la Justice, Me Jean Joseph Exhumé, touchant des thèmes relatifs à la réalité de la dictature et aux exigences d’un État de droit.
Pour sa part, le dirigeant politique haïtien, Victor Benoît, affirme que Fort Dimanche était la prison de l’horreur, le lieu du crime d’État. De nombreux citoyens de toutes les couches sociales ont été torturés et tués à Fort Dimanche, surnommé Fort-de-la-mort, a dit M. Benoît, lors d’une conférence-débat organisée par l’Office du Protecteur du Citoyen (OPC), à l’occasion de la Journée nationale du Souvenir. Les personnalités incarcérées n’avaient aucun contact avec l’extérieur et étaient dans l’attente de la « solution finale », comme ce fut le cas des personnes dans les camps de concentration nazis, a expliqué le dirigeant socialiste. Selon M. Benoît, il y avait très peu de chance qu’un prisonnier quitte Fort Dimanche vivant. Ce baraquement de l’armée était également le principal centre de détention des prisonniers politiques du régime des Duvalier. Selon M. Benoît, en plus des tortures physiques et mentales, la mauvaise alimentation contribuait à provoquer le décès des détenus.
Plusieurs personnalités politiques et de la société civile haïtienne ont participé à des ateliers de réflexions et des conférences-débats sur la mémoire des victimes du 26 avril 1963 et du 26 avril 1986. Des dirigeants de plusieurs organismes de défense des droits humains dont : le RNDDH et la Commission Justice et Paix, avaient pris part à cette activité. Plusieurs activités se sont déroulées à Côte-Plage, le 26 avril, à l´initiative de la fondation Devoir de mémoire pour marquer la « Journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes de Fort Dimanche ». Une exposition titrée « Dictature et résistance » se tient à l’auditorium des Frères Salésiens, ainsi que des conférences, adressées aux élèves des classes terminales des 18 écoles de Côte-Plage, indique l’enseignante et directrice d’école, Marguerite Clérié, de la Fondation Devoir de mémoire.
32 ans après la chute des Duvalier, mis à part l’acquis de la liberté d’expression et d’association, pas grand-chose n’a bougé, a avancé Mme Joceline Colas Noël. « Les gens continuent d’être victimes des actes criminels et de mauvais traitements. Les intérêts politiques prédominent au détriment des intérêts humains », a fait remarquer la défenseure des droits humains. Elle a dénoncé « la partialité » des autorités judiciaires qui n’ont pas poursuivi les auteurs et les coauteurs des crimes commis dans le passé. « Avec un système judiciaire abracadabrant, le phénomène de l’impunité poursuit son petit bonhomme de chemin », a-t-elle renchéri.
Altidor Jean Hervé