Traditionnellement, après la période carnavalesque, c’est la période pascale qui vient avec le rara qui est une forme de bande à pied, dans les rues, la nuit surtout, une spécialité léoganaise, bien que tout le pays y participe. Cette période qui, contrairement à celle du carnaval est plus souvent laissée à la dernière classe sociale du pays, fait, elle aussi, les beautés de la culture du pays, bien que traité en fils adultérin. La ville de Léogâne a organisé son traditionnel rara le dimanche de Pâques, pour le plus grand plaisir des milliers de Léoganais et de visiteurs qui y ont participé. Des stands ont été érigés pour l’occasion. Défilés artistiques, masques… le décor a été très bien présenté pour accueillir l’évènement le plus important dans la ville de Léogâne. 25 bandes de Rara dont : Mande Granmoun et Chen Michan, ont défilé dans la Cité d’Anacaona pour créer une ambiance de folie. Plusieurs membres du gouvernement, dont le premier ministre Jack Guy Lafontant et le ministre de la Culture et de la Communication, monsieur Limond Toussaint, ont assisté à l’une des plus grandes manifestations culturelles du pays, à côté du carnaval. Toutefois, les festivités du rara ne sont pas encore politisées, bien que les millions de gourdes décernées aux parlementaires soient, en passant, pour les festivités du rara dans leurs circonscriptions. Aux environs de 17h, après deux heures de retard, les troupes ont démarré avec un défilé artistique très pauvre en création, annoncé pour 15h. De l’ancienne route nationale, récemment baptisée boulevard Anacaona, jusqu’à la Grand-Rue (le nouveau parcours), peu de nouveautés ont été en vue par rapport aux années précédentes. Au contraire, l’absence des « Chayopye », élément traditionnel du rara, a été considérablement remarquée. En revanche, la présence des vodouisants, sous la direction de la chanteuse Carole Demesmin qui en a pris l’initiative, a fait mouche. Des adeptes de cette croyance indissociable du rara, venus de Port-au-Prince, ont rejoint des associations locales de pratiquants, pour délivrer des messages de valorisation de ce culte religieux, à travers des pancartes et des chants. À la fin du parcours, Mawoule et ses pairs ont remis un drapeau hautement symbolique aux autorités municipales. Avec le soleil au milieu, « ce drapeau traduit la tradition des Tainos et la culture de la canne à sucre tendant à disparaitre de la commune », expliquent-ils, espérant que l’étendard sera pris en considération et hissé. Il était passé 20h quand le petit poucet, Towo Morèl, a ouvert le défilé des bandes. Là encore, le désordre allait régner. On a dû patienter longtemps, avant l’arrivée de Kafou Metsiyen, la deuxième des 25 bandes. En plus, l’ordre prévu n’a pas été respecté, comme ce fut le cas lors du carnaval de 2018. Le cas le plus flagrant est celui de la bande « La Fleur de Rose », placée en huitième position, qui allait cependant fermer le parcours le lundi matin vers les dix heures, prétextant le retard d’un musicien. Les gros morceaux n’aiment pas défiler trop tôt, dit-on. L’interdiction pour les chanteurs de gravir les stands a été bafouée à volonté. « Aucun animateur ne doit inviter à le faire », pouvait-on lire dans une note publiée la veille par la mairie. Même si aucune exception n’a été mentionnée, la mairie elle-même et le fameux stand de la députation et de la présidence, qui a fait l’objet de vives critiques quant à sa dimension en se référant aux problèmes de la commune, ont violé leurs propres règles. Par ailleurs, ces faiblesses organisationnelles ont été atténuées par le niveau des bandes. Leurs déguisements et performances musicales ont plu. Ce désordre délibéré dans l’organisation de cette festivité n’est pas sans rappeler les mêmes qui sont survenus lors des trois jours gras, un signe qui montre que l’Haïtien est vraiment un fan de l’indiscipline, comme l’a dit l’autre. Toutefois, la période des rara étant finie, on attend la période des festivités estivales. Ces multitudes de périodes qui se succèdent, servent de tranquillisants aux problèmes de toute sorte qui gangrènent la société. Et c’est tant mieux pour la tranquillité sociale et pour nos dirigeants incompétents.
Emmanuel Saintus