Il est clair qu’on est encore loin de la période où les femmes seront vues comme égales aux hommes, où les femmes auront une place de premier plan sur la scène nationale. On aura beau accumuler les Journées nationales et internationales mettant les femmes en avant, elles ne sont même pas à la moitié du chemin, bien qu’on dise qu’elles ont fait des progrès considérables dans cette éternelle lutte. Du 8 mars au 3 avril, les journées de lutte de la femme haïtienne ne manquent pas.
À l´occasion du 3 avril 2018 qui ramenait la Journée nationale du Mouvement des femmes haïtiennes, la Solidarité des femmes haïtiennes (SOFA) réaffirme sa détermination à poursuivre la lutte en faveur de la transformation des conditions d´existence des femmes, à tous les niveaux de la société. La SOFA invite les forces progressistes et les femmes en particulier, à continuer à réfléchir sur la nature de l´État et le mode d´administration devant accompagner ce dernier, de manière à faire des propositions susceptibles d´influencer les décisions dans le sens de leurs revendications. À l´instar des féministes de la Ligue féminine d´action sociale, qui avaient investi l´Assemblée constituante aux Gonaïves, afin d´exiger le droit de vote pour les femmes vers les années 1950, le 3 avril 1996, les féministes avaient investi le Parlement en vue de forcer les parlementaires de la 46e législature à ratifier la Convention Belèm Do Parà. Il s´agissait, selon la SOFA, de permettre à l´État de se donner des instruments légaux pour éradiquer les violences à l´encontre des femmes, de sanctionner leurs auteurs et de garantir le respect des droits des femmes, de sorte que celles-ci aient accès aux espaces de décision. La SOFA déplore combien, 22 ans après ce sursaut des féministes, le système patriarcal continue de tolérer les violeurs, de récompenser les batteurs de femmes et les hommes qui ne s´acquittent pas de leurs obligations envers leurs enfants. Un décompte de Solidarite fanm ayisyèn (SOFA) avait fait état de 782 femmes et filles victimes de viols dans l’Ouest et dans la Grand-Anse, pour la période allant de janvier 2016 à octobre 2017. Ce sont des signes qui montrent que les femmes doivent encore se battre pour pouvoir se hisser tout en haut du podium dans cette société misogyne.
« De 1934 à aujourd´hui, les femmes ont conquis certains droits, mais il leur reste plusieurs défis à surmonter », relève l´organisation Fanm Deside pour sa part, à cette même occasion du 3 avril 2018 qui ramène la Journée nationale du Mouvement des femmes haïtiennes. C’est une approche plus que véridique de l’organisation. Au nombre des acquis, Fanm Deside, qui est basée dans le Sud-Est d´Haïti, cite le droit de voter, le droit de se porter candidate et le droit de posséder des biens, qui ne sont que des miettes à vrai dire mais c’est mieux que rien. Toutefois, les femmes continuent d´être victimes de violence sexiste, souligne l´organisation féministe. Seulement 3% de femmes sont présentes dans les espaces de décision, alors qu´elles sont majoritaires par rapport à la population masculine. Le Parlement ne compte que quatre (4) femmes (3 députées et 1 sénatrice). Fanm Deside dit observer la même tendance au niveau de l´Exécutif, où le quota constitutionnel de 30% de femmes n´est pas non plus respecté. Ce sont des faits qui mettent à nu le boulevard que doit encore traverser la société avant que la femme soit traitée comme l’égale des hommes dans le pays.
Le Collectif Défenseurs Plus attire l’attention sur les violences qui continuent d’être perpétrées, dit-il, à l’égard des femmes et des filles dans la société haïtienne. Les femmes et les filles, qui ont subi des violences sexuelles, souffrent également de divers problèmes de santé. Leur capacité à participer à la vie publique s’en trouve diminuée.
Pour que les femmes soient les égales des hommes dans la société, il faut aussi que certaines choses changent dans notre culture, dans nos pratiques religieuses et même dans notre système éducatif.
Altidor Jean Hervé