Après le coup de théâtre orchestré par les sénateurs proches du pouvoir en place, parmi lesquels le nouveau président du Sénat, Joseph Lambert, dans le but d’enterrer le rapport PetroCaribe, on assiste maintenant à d’autres rebondissements de ce dossier qui ne semble pas être destiné à sombrer tranquillement dans l’oubli. En effet, un juge d’instruction a été désigné pour enquêter sur l’utilisation des fonds du programme PetroCaribe. Me Bernard St-Vil, doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, a désigné le juge d’instruction Paul Pierre pour mener une enquête sur l’utilisation des fonds du programme PetroCaribe.
Cette décision survenait après une plainte déposée par le citoyen Johnson Colin, le 29 janvier 2018, au cabinet d’instruction. Me André Michel, avocat de la partie civile, a expliqué qu’à partir de cette décision prise, le procès sur la dilapidation des fonds PetroCaribe vient de commencer. « Un autre pas important dans l’enquête sur l’utilisation des fonds PetroCaribe est franchi. Officiellement, un juge d’instruction est saisi du dossier. « Paul Pierre ! Il faut retenir ce nom. C’est le juge d’instruction que Me Bernard St-Vil, doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, désigné pour conduire l’enquête criminelle relative à la dilapidation des fonds PetroCaribe. L’ordonnance a été prise depuis plusieurs jours mais ce n’est que ce vendredi qu’il en a eu la confirmation.
Cette décision du doyen veut dire que, maintenant, le dossier PetroCaribe est confié à un juge d’instruction, que « le procès a commencé ». « Sur le plan procédural, le juge d’instruction, avant de commencer à poser des actes d’instruction, va devoir acheminer le dossier au parquet pour le réquisitoire du commissaire du gouvernement. Cette décision du doyen Bernard St-Vil signifie aussi pour lui que la résolution votée au Sénat le 1er février confiant le dossier PetroCaribe à la Cour supérieure des comptes « n’a aucune importance et n’aura aucune conséquence sur le procès… », a expliqué Me André Michel. En outre, plusieurs organisations de la société civile dont le Collectif 4 Décembre, le Centre Œcuménique des Droits de l’Homme (CEDH), le Conseil Haïtien des Acteurs Non-Étatiques (CONHANE), le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), la Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), le Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme (CARDH) et la Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH) exigent que la lumière soient faite sur le dossier de dilapidation des Fonds PetroCaribe.
« La corruption devenue en Haïti un fait social, en raison de son caractère permanent, régulier et collectif, s’est insinuée partout et touche aujourd’hui même les institutions dont le mandat est de la combattre, d’où l’importance pour toutes les composantes de la société haïtienne de se mettre en faisceau, en vue de lutter contre elle, sous toutes ses formes. En 2016, une commission sénatoriale a été créée pour enquêter sur ce qu’il convient désormais d’appeler le « Scandale Petro Caribe ». Cette commission a présenté son rapport à l’Assemblée des sénateurs qui a jugé nécessaire de l’approfondir. En ce sens, une deuxième commission a été mise sur pied et a produit un second rapport. Ces deux (2) rapports ont conclu à la dilapidation de plusieurs milliards de dollars et ont mis en cause un ensemble de personnalités qui occupaient des postes de décision à un moment donné. Des informations constantes se retrouvent dans les deux (2) rapports. A contrario, certaines informations sont insérées dans l’un ou l’autre des rapports, ce qui en fait deux (2) documents complémentaires, importants, fournissant un ensemble d’indices aptes à permettre la manifestation de la vérité », ont dit les responsables.
De son côté, l’ancien premier ministre, Laurent Salvador Lamothe, a dit relevé 62 irrégularités et allégations mensongères dans le rapport de la Commission sénatoriale spéciale du sénateur Évalière Beauplan, chargée d’approfondir l’enquête sur la gestion des fonds PetroCaribe. « Ce rapport est la plus grande opération de falsification jamais connue dans l’histoire du pays. Sans le sérieux, la rigueur, la cohérence et l’impartialité auxquels le peuple haïtien pouvait légitimement s’attendre, ce rapport politique ne peut faire œuvre qui vaille. Est-ce une paresse de la part de la commission d’utiliser un rapport publié il y a près de 3 ans, comme base de référence, ou une volonté manifeste de pervertir les chiffres ?», a dit Lamothe.
Emmanuel Saintus