L’ancien patron du Département de Homeland Sécurity (DHS), M. Kelly, avait annoncé, sur un ton cynique et menaçant, la nécessité de réviser le bien-fondé du renouvellement du programme Temporary Protected Status (TPS) pour les Haïtiens. À son avis, Haïti aurait fait de grands progrès vers la stabilité politique et le développement économique. Il avait ajouté qu’il était temps que nos compatriotes préparent leur retour au pays. En effet, quelques mois après, les dirigeants américains avaient signifié ces menaces. Le 20 novembre 2017, la secrétaire par intérim du DHS, Élaine Duke, publia la décision de terminer, une fois pour toute, le TPS accordé à Haïti à la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui avait fait plus de 200 000 victimes mortelles. Ce fut un coup dur pour les 50 000 Haïtiens protégés par ce programme, qui risqueront la déportation à l’expiration de la dernière extension de 18 mois, le temps alloué à nos compatriotes pour faire leurs valises.
Certains militants et activistes politiques crièrent victoire et célébrèrent cette extension. Mais, tout comme un prisonnier condamné à subir la peine capitale à qui on vient de suspendre, pour un certain temps, son exécution, les détenteurs de TPS pouvaient à peine tracer dans leur visage un mince sourire, un rire jaune, car la nouvelle de l’annulation du TPS dans 18 mois n’est autre qu’une bouffée d’air. Le temps passe vite et les possibilités vers l’obtention de la carte verte sont peu nombreuses, très couteuses et souvent trop risquées.
Face à des discours anti-immigrants et anti-Haïtiens de certains membres du gouvernement américain en place, incluant des propos méchants du président Trump lui-même, des centaines de détenteurs de TPS s’étaient réfugiés au Canada. Néanmoins, la grande majorité des Haïtiens, très religieux par tradition, attendent encore un miracle. Tristement, en guise de miracle, nous sommes déjà à quelques jours de la date d’expiration des six mois de la dernière extension automatique qui prend fin ce jeudi 18 janvier, et le 22 janvier pour ceux-là et celles-là qui furent chanceux d’avoir reçu le permis de travail (EAD). Les risques sont nombreux. Dans plusieurs boîtes, on demande aux employés (avec TPS) de présenter la nouvelle carte. Sinon, ce jeudi, déjà ils seront des centaines, voire quelques milliers à perdre leur boulot. Et le reste aura le même châtiment, quelques jours plus tard. Dans plusieurs États, on octroie le permis de conduire qui expire la même date que le TPS. Comment emmener ses enfants à l’école sans un permis valide ? Il en est de même pour le renouvellement d’un contrat de loyer. Pour chercher un nouveau job avec un permis qui expire dans quelques jours, les options sont nulles.
Si les services d’immigration (USCIS) n’annoncent pas dans les prochaines heures la « ré-registration » (nouvel enregistrement), ce sera chaotique et très critique pour nos frères et sœurs. Un jour de retard, un jour passé la date d’expiration, ils seront tous sans emploi. Leurs patrons, selon la loi, sont forcés d’utiliser le système I-9 Verification pour s’assurer que leurs employés étrangers sont détenteurs d’un permis valide de travail. Dans ce genre de situation, on recommande toujours l’optimisme. Cependant, même quand l’USCIS décide d’accepter des applications pour le renouvellement de la carte de travail et le TPS, il y aura quand même un grand nombre de détenteurs haïtiens de TPS dans le pétrin. Pourquoi l’USCIS a-t-il pris aussi longtemps sans approuver des renouvellements de carte EAD pour de nombreux haïtiens ? Négligence, bureaucratie ou manque de personnels de l’USCIS ? Les superstitieux parleront peut-être de malchance, que nos ennemis auraient jeté un mauvais sort à notre peuple. Les politiciens, les nationalistes chercheront la relation entre le traitement accordé aux détenteurs haïtiens de TPS avec les propos récents du Président Trump qui furent à la fois dégradants et humiliants.
Chacun pourrait avoir ses propres opinions ou justifications par rapport à la position hostile de ce gouvernement, vis-à-vis des immigrants en général et des Haïtiens en particulier. Favorables ou défavorables, généralement ceux qui en parlent le plus, le font pour tuer le temps. Les détenteurs de TPS sont les personnes réellement affectées par l’annulation du TPS et qui attendent encore qu’on leur confirme l’extension finale de 18 mois, une annonce qui va remonter le moral de plus d’uns, 18 mois d’espoir pour continuer la lutte vers une possible régularisation ou normalisation vers un statut de résident permanent, similairement aux débats autour du DACA. Entre-temps, l’angoisse s’accroit parmi nos compatriotes qui attendent encore cette fameuse annonce pour soumettre leurs applications une dernière fois, pour les derniers 18 mois. Menm si gen on ti kouto anba gòj nou, fòk nou sonje : « toutotan tèt nou pa koupe, nou espere mete chapo ».
Ing. Rodelyn Almazor