Comme c’est le cas à toutes les fins d’années, les autorités de l’État ont encore une fois fait grâce à certains détenus incarcérés un peu partout à travers le pays. Cette année, c’est le commissaire du Gouvernement près le tribunal civil de Portau- Prince qui a gracié 223 prisonniers à travers le pays, un acte qui, encore une fois, a suscité des doutes chez les organismes de droit de l’homme qui disent craindre que des bandits notoires aient été aussi graciés par le commissaire. À la fin du mois de décembre, le commissaire avait annoncé qu’un total de 243 dossiers de détenus en situation de détention préventive prolongée subissaient minutieusement une étude approfondie, en vue de procéder à une éventuelle libération de ces derniers.
« J’ai une liste de 243 dossiers de prisonniers, étudiés minutieusement, mais j’attends du Pénitencier national, des fiches signalétiques avant de pouvoir communiquer les noms de ces personnes qui seront libérées sous peu », clamait- il à l’époque. Arrivé aujourd’hui au terme de cet exercice, avec un brin d’orgueil, le commissaire affirme que : « les organismes désireux de posséder cette liste doivent se rendre au Parquet pour dossier y afférent », reconnaissant que cela contribuera au renforcement du climat de confiance et de transparence dans lequel baigne son administration. À la suite de cette libération par le commissaire du gouvernement de Portau- Prince, le 30 décembre dernier, de ces 223 détenus issus de divers centres carcéraux du pays, des organisations de défense des droits humains ont exprimé leurs réserves, compte tenu du fait que des bandits peuvent passer entre les mailles du filet.
Selon Pierre Espérance, secrétaire exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), la nouvelle de la libération de ces détenus devrait être accompagnée de la « date de leur incarcération, des motifs pour lesquels ils ont été détenus, leur dossier, si jamais ils en avaient. » Ces démarches auraient entouré le processus d’un certaine « transparence », a avancé Pierre Espérance, avant de rappeler que les autorités, pour procéder à des libérations de masse, ont souvent « collaboré » avec les organisations de droits humains, afin de libérer les personnes qu’il faut. Toutefois, a-t-il nuancé, il ne s’agit aucunement d’une obligation légale qu’a le commissaire du gouvernement de leur faire parvenir la liste avant la libération des détenus. Jocelyn Colas Noël, de la Commission épiscopale Justice et Paix (CJILAP), a exprimé un tout autre avis. Elle minimise l’envoi de la liste des détenus à libérer pour accentuer sur la nécessité de réforme au sein de la justice, sur le combat contre la détention préventive prolongée. Toutefois, Mme Colas pense que c’est au commissaire du gouvernement d’assumer les conséquences de ses actes.
Par ailleurs, elle a conseillé aux autorités judiciaires de « juger les inculpés à temps, de traiter les dos- siers avec célérité et d’obliger les juges à rendre justice. » D’un ton rassurant, em- preint de fermeté, Me Clamé Ocnam Daméus, en réponse, a fait savoir que les dossiers de ces détenus ont été analysés mi- nutieusement, afin de voir ceux qui sont réellement en détention et qui méritent de rentrer chez eux. Les 223 détenus libérés étaient incarcérés au Pénitencier national, au Centre de Rééducation des Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL), et à la prison civile des femmes à Cabaret. « Seuls les prisonniers en détention préventive pro- longée, à qui l’on reproche des infractions mineures et des délits, ont été libérés », a assuré Me Daméus. Les détenus qui ont été écroués pour assassinat, viol ou meurtre, ont leur dossier devant le cabinet d’instruc- tion, a renchéri le commissaire du gouver- nement.
Altidor Jean Hervé