Depuis le début du mandat du prési dent Jovenel Moïse, le 7 février 2017, la corruption est l’un des sujets à part la Caravane du Changement, qui tient en haleine tout le pays. Tout le monde en parle. Du rapport PetroCaribe, en passant par la persécution politique, de nominations douteuses à interdiction de départ, de démission, révocation à plaintes de toutes sortes, tous les maillons de la chaîne de corruption sont presqu’utilisés en moins d’un an de présidence. Lors d’une conférence de presse, le lundi 18 décembre 2017, le militant politique, Me Michel André, de la « Coalition des organisations démocratiques de l’opposition », a annoncé que dans les jours à venir, des plaintes seront déposées devant la justice contre les dilapidateurs des fonds PetroCaribe. « Il y a déjà des citoyennes et citoyens importants dans la société qui ont déjà pris la décision d’aller porter plainte devant la justice pour lui demander de prendre sa responsabilité contre toutes celles et tous ceux qui ont pris part au vol de l’argent de PetroCaribe », précise-t-il. Il met en garde le pouvoir contre toute tentative de blocage du dossier relatif aux fonds PetroCaribe. Le président Jovenel Moïse veut bloquer l’affaire PetroCaribe parce qu’il y est aussi impliqué avec son chef de cabinet Wilson Laleau et d’autres officiels du gouvernement actuel, avance Me André Michel. Si cet argent était investi dans l’agriculture et la santé, le pays ne serait pas aujourd’hui dans cet état lamentable, s’insurge-t-il. La Coalition réitère ses engagements à continuer la mobilisation contre les coupables qui ont dilapidé les fonds PetroCaribe, « la plus grande opération de corruption et de détournement de fonds publics de toute l’histoire de la République d’Haïti », dit-il.
D’autre part, des organisations de droits humains lancent un appel à la mobilisation citoyenne, en vue de faire échec à toute tentative de noyer les rapports du Sénat sur la dilapidation des fonds PetroCaribe. Dans une note datée du 15 décembre 2017, elles se disent consternées par « le comportement inexplicable » du président de la République, Jovenel Moïse, qui prétend être le porte-étendard de la lutte contre la corruption, alors qu’il met tout en oeuvre pour affaiblir les institutions haïtiennes, appelées à lutter contre le fléau de la corruption. Lors d’une intervention, à Paris (France), le mardi 12 décembre 2017, Jovenel Moïse a affirmé avoir, lui-même, empêché le Sénat de statuer sur le rapport de la Commission sénatoriale d’enquête sur la gestion des fonds du programme PetroCaribe. Il s’en est pris ouvertement à la commission sénatoriale, ayant travaillé sur ce second rapport, qu’il voit comme un moyen de persécution politique. De plus, le président a aussi affirmé avoir renouvelé le mandat d’« une cinquantaine de juges, soupçonnés de corruption ». Ces déclarations malvenues d’un « président institutionnel » décrédibilisent encore plus le pouvoir judiciaire, anéantissant ainsi les espoirs des citoyennes et citoyens de voir, un jour, se fermer cette vanne d’impunité, critiquent ces organisations, qui se disent très scandalisées. Il est du devoir des citoyennes et des citoyens d’élever la voix pour demander des comptes sur l’utilisation des fonds PetroCaribe et d’exiger des efforts institutionnels, visant à empêcher que le pays soit soumis aux caprices d’un homme ou de quelques hommes et femmes, qui consolident la dynastie de la corruption, le présidentialisme et toutes les formes de la pensée unique, estiment-elles. Elles rappellent aux sénateurs qu’ils ont été élus pour défendre les intérêts de la population et non ceux d’un président, d’un gouvernement ou d’un groupe d’individus. L’obligation incombe également à l’appareil judiciaire de sanctionner toute personne ayant commis une infraction.
De leur côté, les autorités judiciaires ont préféré se défendre face aux allégations gênantes du président Moïse en terre française au début du mois de décembre 2017. Après les associations de magistrats, c’est au tour du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, directement indexé par le chef de l’État, de monter au créneau. D’abord, via une note de protestation, moins de 24 heures après les allégations du président Moïse. Dans cette note du 14 décembre, le CSPJ dénonçait une tentative de mettre en péril l’indépendance du pouvoir judiciaire et de saper les bases du principe de la séparation des pouvoirs. Mais, c’est dans une conférence de presse que le CSPJ, accusé par le locataire du Palais National d’avoir influencé dans le mauvais sens sa décision, a donné sa réponse au président Moïse. Sa vice-présidente, Wendelle Coq Thélot, a tenu à informer le président Moïse que ses déclarations ne lui rendent aucun service ni ne lui dondonnent aucune couverture, lui rappelant qu’en tant que chef d’État, il est le garant de la bonne marche des institutions. «Si le président a accepté de nommer des juges soupçonnés de corruption, il doit en assumer les conséquences», a-t-elle souligné, ajoutant «qu’en tant que juge, je peux vous dire que si un magistrat a admis avoir été contraint de prendre une décision pour rendre un jugement, il devrait démissionner. «Un président ne devrait pas céder aux pressions », a ajouté celle qui a siégé à la cour de cassation, faisant savoir que la décision de M. Moïse de nommer des juges soupçonnés de corruption, fera partie de son passif. Il s’est lui-même condamné avec de telles déclarations, a poursuivi la juge Thélot. Pour sa part, le représentant des cours d’appel au CSPJ, Me Max Élibert, a rappelé, qu’en octobre dernier, le président n’a pas nommé de juges mais a plutôt procédé au renouvellement de leurs mandats «. Ce sont des magistrats qui n’ont pas fait l’objet de plaintes ou de sanctions du conseil de discipline», a informé Me Élibert, rappelant que l’actuelle administration n’a presque rien mis dans le budget pour le fonctionnement du conseil de discipline. Il y a des juges certifiés, il y en a qui ne le sont pas et, si le président avait des doutes sur certains magistrats dont il devait renouveler le mandat, il se devait d’en parler avec le CSPJ. Ce qui n’a jamais été le cas, a dit Me Élibert, rappelant que le ministère de la Justice est représenté au sein de la commission de certification. «S’il s’est permis de nommer des juges soupçonnés de corruption, c’est en violation de l’article 136 de la Constitution qui fait de lui le garant de la bonne marche des institutions, et c’est lui qui est fautif, soutient Max Elibert.
Avec tout cela, 2018 sera une année de grandes mobilisations populaires contre la corruption, a annoncé les opposants au pouvoir, par le biais de Me André Michel. Le pays est prévenu !!!
Emmanuel Saintus