« Vendeurs de blackout »
Que le blackout soit, EDH apparût! Ces paroles ne viennent pas d’un sorcier. Certains activistes bien rémunérés, fanatiques zélés, supporteurs du gouvernement en place de concert avec des journalistes auto-proclamés des réseaux sociaux s’accordent harmonieusement pour attribuer à cette phrase aux « vendeurs de blackout ». Cette épithète selon eux correspond aux fournisseurs d’électricité et certains opposants politiques qu’ils accusent méchamment de corruption ou complicité dans le domaine de l’énergie. Se faisant ils s’érigent comme des anges de lumières, les nouveaux Lucifers qui apportent en cadeau l’énergie électrique 24/24 dans moins de 24 mois sur toute l’étendue du territoire de la république bananière. Si seules les bonnes intentions suffisaient pour définir un excellent leader politique, on accorderait des médailles aux centaines de politiciens de chez nous. Heureusement, on juge mieux les gens quand on tient compte des résultats de leurs actions non pas les efforts sans succès et les intentions messianiques qu’ils véhiculent. Accordez-moi quelques minutes pour tenter d’apporter un peu de lumière sur le vrai blackout qui existe dans le dossier « vendeurs de blackout ».
J’ai vécu quelques années du régime duvaliériste durant lesquelles les services d’électricité, quoique fournis surtout dans les grandes villes et certains centres de grande importance économique, se faisaient 24/24. Les coupures pour causes de maintenance et réparations furent souvent annoncées par radio. Je parle de mon enfance avant la chute du président JC Duvalier en 1986. Les factures n’étaient pas faussées, arrivaient et se payaient à temps. La dérive de l’EDH, selon plus d’uns, commença dans les années d’anarchie avec les gouvernements illégitimes et putschistes. Et malgré ça, par exemple, dans la ville de Jacmel dont mes parents sont originaires, quand on parlait de blackout à Port-au-Prince, les Jacméliens avaient du mal à comprendre ce phénomène. Malheureusement, l’embargo économique imposé à Ayiti entre 1991-1994 sous la demande du gouvernement Ayitien en exil avaient paralysé le bon fonctionnement de l’EDH dans cette ville. De plus, un exode de la population rurale vers le centre-ville avait causé un effet tsunami vue l’augmentation des consommateurs illégalement branches sur le réseau de l’EDH. Pour l’instant mettons l’histoire de côté. Posons-nous la question, si sous le régime de Duvalier fils en Ayiti on jouissait déjà du courant électrique 24/24 faut-il chanter jours et nuits, même se vanter d’une pareille promesse au sommet des Nations Unies pour montrer comment nous roulons à grande vitesse dans la caravane du changement ?
Pour ce qui est de ces accusations contre les compagnies SOGENER, HAYTRAC et E-POWER, je ne prétends nullement me poser comme leur défenseur car ces compagnies sont assez riches pour se payer une légion d’avocats. Mais, en tant que citoyen Ayitien concerné, mon intrigue dans ce dossier dont les consultants vedettes et bien payés du gouvernement en parlent autant, c’est l’irresponsabilité de l’Etat Ayitien de mener à bien son rôle. Un contrat est signé entre deux parties pour des services bien précis avec des conditions clairement définies. Si l’une des parties voit ses intérêts lésés ou croient l’autre partie aurait violé le dit-contrat, ça entre dans le cadre d’une démarche administrative et légale d’exiger le respect du contrat, modifier les clauses qui posent des problèmes. Et dans le pire des cas annuler ou renégocier un nouveau avec la même compagnie ou d’autres fournisseurs. Tristement, au lieu d’agir en responsables, de nombreux élus au parlement et certains dirigeants de ce gouvernement ont choisi la voie de la diffamation, de la désinformation pour avilir les hommes d’affaires avec qui l’Etat fait du business jusqu’à ce jour. En plus, ils se servent de la machine propagandiste pour accuser les gouvernements précédents comme corrompus ou complices dans ces contrats qu’ils qualifient de criminels.
Omettons pour un instant, le droit du bénéfice au doute que devraient jouir les accusés et supposons aveuglement et bêtement qu’il y aurait certaine véracité dans les accusations et épithètes de vendeurs de blackout. Qui est en charge de la révision des contrats de l’Etat Ayitien? S’il y a lieu de penser à un quelconque crime contre le peuple Ayitien arguant pots de vin, corruptions dans ces contrats, qui sont les corrupteurs ? « Si pat gen sitirè pa tap gen volè ». Ne revient-il pas à la justice, à l’UCREF d’investiguer ou déterminer si un crime ait lieu? Est-ce l’usage de leur autorité ou la garantie de leur immunité qui pousse les élus législatifs et exécutifs à accuser, juger et condamner verbalement leurs opposants comme bon leur semble? Dans un pays où le chômage arrive à des taux menaçants chez les jeunes, pourquoi s’attaquer publiquement à ses partenaires d’affaire sachant que cela puisse causer la banqueroute et fermeture de ces entreprises ? Ne s’agit-il pas d’un problème éthique et d’amateurisme de l’Etat (tous les pouvoirs inclus) dans la méthode qu’il applique pour résoudre les conflits avec le secteur privé et la société civile ? Au parlement, le spectacle offert par les acteurs parlementaires donnent une impression de déjà-vu, d’un coup de théâtre. Les bruits, la cacophonie suffisent pour éclater les tympans chaque fois qu’ils doivent traiter un dossier important mais tout comme les contrats de plus de 300 millions de dollars signé avec la compagnie Estrella et les milliards de dollars de Petro Caribe, le seul résultat: l’enquête se poursuit.
Certes, le gouvernement ne cache pas ses frustrations par rapport aux fournisseurs d’énergie. Mais ce qu’il cache c’est l’incapacité de l’Etat de forcer les abonnés qui sont des centaines de milliers à payer leurs bordereaux. Comment parler de rentabilité de l’EDH quand plus de 80% de ses clients refuse de payer leurs factures? Dans ce sens, les citoyens responsables qui paient leurs taxes dont une grande partie est redirigée vers la subvention des fournisseurs, distributeurs et consommateurs de courant électrique ont de quoi s’inquiéter. Dans toute cette vague d’accusations de partout, n’est-ce pas le bon moment pour s’interroger du rôle que chaque ministère au sein du gouvernement pourrait jouer dans la prévention et résolution de la crise énergétique. Pardon. La solution à tous les problèmes du pays passe par la Caravane. Aujourd’hui, les ministères passent au second plan. La caravane du changement a tout changé. On pourrait avancer facilement, que cette caravane représente un Etat dans l’Etat, un gouvernement dans le gouvernement car elle semble supplanter le ministère des TPTC, le ministère de l’environnement, le ministère de l’agronomie et tout récemment le ministère des finances car la caravane reçoit directement des prêts de la BID, des dons de l’Union Européenne pour ces petits projets à caractère populiste.
Rappelez-vous bien, l’accès à l’énergie électrique est n’est pas un droit acquis par citoyenneté par résidence au pays. C’est plutôt un droit, pour mieux parler, un service qu’il faut se payer. La loi ne prévoit aucune distribution gratuite d’énergie électrique. Quiconque veut agir autrement en utilisant les ressources de l’Etat agit en contravention avec la loi. Dans le budget national, on ne devrait pas soutenir ou financer la distribution gratuite de kits d’énergie solaire à des particuliers comme forme de campagne politique. Nous devons encourager les Ayitiens, dirigeants à éviter les activités populistes qui n’aident au progrès et développement du pays. Chez nous, on n’est jamais trop pauvres pour se payer les services téléphoniques quand il est question de l’énergie électrique les excuses et justification absurdes abondent. Tout à coup, même les plus capables financièrement résistent aux paiements qui provenant de l’EDH.
On doit tous se mettre d’accord que tout mauvais contrat qui causerait des pertes à l’Etat Ayitien doit être renégocié ou annulé mais cela doit se faire un cadre légal respectant les droits de chaque partie. Si la distribution électrique devient chaotique au point qu’elle est utilisée comme propagande politique c’est à cause de la décadence de nos valeurs durant les trois décennies. Riches, pauvres, noirs, mulâtres, gouvernants et gouvernés, nous sommes trop nombreux à adopter l’État Ayitien comme sa propre vache laitière. Nos dirigeants doivent cesser de se plaindre, de pointer du doigt les opposants politiques et investisseurs qui n’auraient pas finance leurs campagnes électorales ou qui refusent de monter abord la caravane. Il faut utiliser les outils dont nous disposons déjà comme l’organe de passation des marchés publics pour lancer les appels d’offres et s’assurer que les contrats ne se donnent pas exclusivement aux secteurs qui auraient financé les campagnes électorales des élus au pouvoir. Le gouvernement présente tous les Ayitiens, toutes classes incluses. C’est son devoir de protéger les investisseurs tout comme les consommateurs non pas ériger les uns contre les autres. Car l’échec attend quiconque entame la voie de la division entre nos compatriotes.
Bref, de l’exécutif au législatif, passant par les fournisseurs et l’EDH, pour arriver aux consommateurs, nous avons d’une façon ou d’une autre une part de responsabilité dans cette crise énergétique qui empêche le développement du pays. Il faut cesser toutes accusations non-fondées comme « vendeurs de blackout, de distributeurs de blackout, de générateur de blackout » qui apportent davantage de discorde nous éloignant de tout compromis pour arriver à solution finale. Ainsi, sous la bannière de la justice et du respect des droits des citoyens, prenons les actions concrètes contre tout fournisseur profiteur, tout distributeur gaspilleur et tout consommateur voleur. Soyons tous responsables en assumant chacun ses propres obligations. Qui sait, avant 24 mois ou peut-être avant 24 ans, les Ayitiens pourront répéter ces paroles sacrées: que la lumière soit, et la lumière fut!
Rodelyn Almazor