Deux évènements récents de l’actualité locale obligent des experts de tous calibres à abandonner leurs caves pour se prononcer en grands conseillers sur l’utilité des Forces Armées et la Police Nationale. En fait, je me réfère à l’intervention musclée, à Grand-Ravine où des forces de l’ordre auraient été objet d’un accueil inespéré et criminel de la part de certains bandits de la zone. Résultat : l’opération s’est soldée par des pertes en vies humaines avec deux policiers abattus et plus d’une demie douzaine de victimes au sein population civile (incluant des présumés bandits selon la Police). A entendre le porte-parole de la qui décrivait ce qu il considère comme une embuscade bien montée des bandits on pourrait croire que c’est un soldat de l’armée de Leclerc qui rapportait leur échec à la ravine à couleuvre car selon leurs récits la population serait complice et mériterait toutes sortes de représailles. Bref, un tel incident fit surface quelques jours avant la remobilisation des Forces Armées D’Haïti le 18 Novembre dernier. Les sceptiques et théoriciens politiques ont profité de cette coïncidence providentielle pour s’inventer des théories bien controversées. Sans tarder, anciens militaires et leurs partisans de concert avec des journalistes assoiffés de nouvelles sensationnelles ont abusé de nos tympans avec leurs critiques allant de très sévères envers la Police Nationale. L’échec de l’opération policière, selon eux, démontre la nécessité urgente de monter une force armée capable de faire face aux défis de sécurité d’Haïti. Les FAD’H qui furent jadis les bourreaux vêtus en vert olives, aujourd’hui représenteraient les nouveaux super héros de Vertières, les seuls capables de sauver Haïti de l’insécurité chronique.
Fidèle à ses promesses, le Président publia dans le moniteur le tant at tendu décret le 17 novembre portant sur la création du haut Etat-major. Il fallait choisir un cadre majeur de l’ancienne FAD’H pour donner un sens de légitimité et de continuité. C’est le bon moment de fredonner ces lyrics du fameux animateur et chanteur de Konpa : « Mon colonel, mon colonel. S’on ti Lame mwen te vle fè…». Et voilà, le chef d’orchestre, sans grande surprise, notre Colonel. Semble-t-il il fut le seul Sage des anciens militaires à mériter le titre de commandant du nouvel Etat-Major. Sa mission, faire usage de son expérience dans les anciennes Forces Armées mais cette fois pour éviter toute possibilité de coup d’état contre ses propres patrons.
L’opposition sans direction face à cette décision qui pourrait les mettre face à face à une autre force répressive arrive à peine à expliquer leur position. Les anciennes Forces Armées Démobilisées Haïtiennes (FAD’H) sont transformées en Forces Remobilisées Armées Populaires Haïtiennes comme l’avait si bien annoncées l’ancien Patron Rosé. Leur ennemi public numéro 1 ? C’est l’armée désorganisée des Maninifestant et Opposants qui attendaient encore le retour de leur Leader qui, selon les rumeurs des superstitieux, fût frappé méchamment par un bon bòkòr (magicien) après la rencontre officielle entre les grands connaisseurs du vodou et le President. La méfiance obligeât le Leader à demander des cubains un Statut de Protection Temporaire esperant que les descendants cubano-haïtiens, connus comme des excellents pratiquants médecins vodouisants auraient le temps de lui monter un bâton guérisseur. Car si le Moïse gouvernant n a pas hésité à faire usage de son bâton magique il était temps pour le Moise opposant de trouver le sien!
Confusion totale. Quelques semaines avant, les manifestants permanents qui se trouvaient dans les rues impuissants face aux bastonnades et arrestations réalisées parfois sauvagement et trop souvent illégalement ne cachaient leurs gros mots pour dénoncer amèrement le comportement des policiers trop habiles dans l’usage de leurs bâtons, le gaspillage des tubes de gaz lacrymogènes. Mais face à l’éventualité de la création des Forces Armées, ils étaient les mêmes à crier Viv Lapolis! Aba Lame!
N’est-ce pas le bon moment pour revisiter ce mémorable spectacle du leader des manifestants « pitit desalin» accablé par les effets des gaz toxiques, se refugia dans un coin de rue, là où il se lava lassement le visage tout en tentant d’esquiver maladroitement les micros que les rapporteurs journalistes lui tiraient au visage comme les gants de boxeurs professionnels. Un Michel Ange, grand avocat du diable décida de venir en aide au leader des Opposants. Ménageant son jargon d’homme de lettres, il se plaint la brutalité d’une Police Militarisée et Politisée. Comme il arrive souvent, dans ce grand pêle-mêle politique, on ne se rappelle pas toujours des rôles des institutions. Si selon l’article 269, La Police est un Corps Armé dont le fonctionnement relève du Ministère de la Justice et ce ministère est dirigé par son ministre membre d’un gouvernement qui reçoit les directives du président, comment garantir que la Police Nationale ne soit pas politisée ?
D’ailleurs ne serait-ce illégal d’exiger au directeur General de La Police appelé enfant de dieu ou à un quelconque policier d’avoir un penchant politique. De telle prohibition est adressée aux Forces Armées. Selon l’article 265:Les Forces Armées sont apolitiques. Leurs membres ne peuvent faire partie d’un groupement ou d’un parti politique et doivent observer la plus stricte neutralité. Clairement, ici on interdit aux soldats de faire de la politique pas à la Police de s’allier au pouvoir.
Revenons aux 18 novembres, le jour rappeler aux Capois La mort, de penser aux grands ancêtres (ou de dépenser grandiosement) comme Dessalines qui n’eut pas la chance de célébrer cette date en 1806 à cause des frappes balistiques durant l’embuscade qui lui coutât la vie. Un jour spécial pour penser aux fils de Dessalines qui atteint par une foudre (ou poudre) cabalistique dut rater sa manifestation héroïque. Et surtout, le moment du grand discours machiavélique, le grand jour de la résurrection des Forces Armées qui présentât des soldats armés jusqu’aux genoux avec des fusils d’assaut datant de la première guerre mondiale. On se demandait si leur armement fut une courtoisie du Musée National. Comme mesure de précaution des policiers lourdement armés entouraient et protégeant les nouveaux gardiens de la sécurité de la nation.
Tout est à l’envers. Selon l’article 268.3:Les Forces Armées ont le monopole de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de l’utilisation et de la détention des armes de guerre et de leurs munitions, ainsi que du matériel de guerre. Toujours ponctuels au rendez-vous, les bloggeurs et journalistes d’occasion des réseaux sociaux font le ridicule avec les forces armées mal armés dont la mission est de mieux faire combattre le banditisme que les policiers portant les armes de guerre n’arrivent font si mal selon ces experts.
Notre malchanceuse nation avec son peuple ignorant et négligeant dans ses choix se trouve entre deux maux (Mo’s). Quel est ce médecin charlatan en politique qui aurait prescrit des maux comme seuls antidotes contre d’autres maux? Nous vivons à notre façon les récits bibliques et historiques qui opposèrent le prophète Moïse au grand Pharaon. Dans notre cas, il s’agit-là de deux Moise(s) sources de divisions et de querelles fratricides au sein du Peuple. D’un côté, un Moïse qui devrait sauver le peuple haïtien les amenant dans la terre promise (remplie de champs de bananes) qui flâne dans nos villes avec sa caravane magique. D’un autre cote, le Moïse qui se réclame l’enfant perdu (pitit pèdisyon) de Dessalines dont le cheval mal nourri succomba au gaz lacrymogène vendu par les fils de néo-colons ou nouveaux occupants en mini Jupes.
Pareillement, notre constitution mère souvent mauvaise conseillère recommande entre deux maux : les Forces Armées (FAD’H) et un Corps Armé (Police Nationale) de prendre les deux. ARTICLE 263:La Force Publique se compose de deux (2) Corps distincts: a) les Forces Armées d’Haïti; b) les Forces de Police. Cet article c’est l’argument principal des défenseurs de la création des Forces Armées. Pour eux, dans ce scenario il faut rigoureusement obéir aux lois. Cependant, si on prétend être si rigoureux dans l’application de nos lois, pourquoi ne pas commencer avec d’autres exigences faites à l’Etat Haïtien : de fournir l’éducation de base gratuitement pour tous ? De fournir des soins de Santé à toute la nation ? D’interdire toute forme de bastonnade et torture de la part des Forces de l’Ordre (Police et armée) ? D’empêcher les arrestations illégales et finir avec ce fléau de détention prolongée?
Tout citoyen ou dirigeant qui s’accroche aux bienfaits des Forces Armées doit comment par lire dans son intégralité l’article 266 qui ne parle pas uniquement d’aider la nation dans les cas de catastrophe naturels mais aussi et surtout de : Défendre le Pays en cas de guerre; Protéger le Pays contre les menaces venant de l’extérieur; Assurer la surveillance des Frontières terrestres, maritimes et aériennes;Peut-être, M. Le Sage comprend bien qu’il faut éviter d’agacer nos voisins protégés par une armée forte de plus de 200 miles soldats par quelques centaines soldats. Dans ce cas, peut-on parler d’une armée décorative ou milice cosmétique incapable de défendre le pays en cas de guerre ou d’invasion étrangère ? Une force dont on ignore les grands patrons qui paient leurs mauvais tailleurs.
Parlant des FADH, si on se veut d’une impartialité dans nos analyses on doit se demander : à part les coups d’état quelles furent les exactions commises par les anciennes forces Armées que le peuple n’ait pas connues avec la Police Nationale? Les cellules remplies de prisonniers en détention prolongée du Pénitencier national ne rappellent-elles pas les cachots des casernes Dessalines, du Camp Lamentin à Carrefour ? Ou pire un bateau Négrier? Entre les exécutions illégales á Fort Dimanche et celles faites sommairement en plein jour á vue de tous par certains mauvais agents de la Police, faudrait-il mesurer celles qui soient les plus injustes et illégales? Dans un récent exposé, un ancien militaire et directeur Général de la Police a publié une longue liste des cas d’abus où la Police selon lui aurait failli à sa mission.
Certes, les reproches aux anciens militaires abondent. Ils ont un travail colossal à entreprendre pour se gagner la confiance du peuple perdu bien longtemps : « bay kou bliye pote mak sonje ». Pareillement, la Police Nationale a encore de grandes améliorations à apporter dans ces rangs. Chaque institution a ses rôles bien définis dans notre loi mère. Les dangers et bénéfices sont réels des deux côtés. Ce qu’il faut surtout penser c’est la nécessité et l’urgence d’une réforme en justice qui pourrait réduire la dépendance de la Justice de l’Exécutif en dotant du pouvoir judiciaire des moyens et mécanismes indispensables pour combattre la corruption et les abus d’autorité de toutes sortes. Sinon, avec la Police Militarisée et les nouvelles Forces Armées Policières toutes deux sous tutelle d’un gouvernement très servile au Président dont l’arrogance est typique d’un chef d’Etat Haïtien quand il déclara fièrement: « le président a parlé, point barre! ». Pour éviter de revivre les années d’horreurs, de grandes instabilités, d’oppressions, de répressions et de coups d’état, il faut que les juristes et hommes de lois agissent maintenant.
Ing. Almazor Rodelyn
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