Alors qu’un protocole d’accord a été signé entre le ministre de la justice et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) pour atténuer le mouvement de grève des magistrats et des greffiers, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a rendu public, le 16 octobre 2017, un nouveau rapport portant sur le « Fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année judiciaire 2016-2017 ». Ce rapport d’une trentaine de pages, constitué de neuf parties, a mis en évidence le tohu-bohu dans la justice judiciaire haïtienne, tout en recommandant aux autorités judiciaires haïtiennes d’œuvrer au respect des droits et aux garanties judiciaires de tous et de toutes. « L’année judiciaire 2017-2018 a déjà démarré sur fond de crise. Des magistrats et greffiers continuent de réclamer de meilleures conditions de travail, le paiement des arriérés de salaire ainsi qu’une meilleure prise en considération dans le budget de fonctionnement du pays. Cette situation laisse augurer le pire pour cette année », peut-on lire dans ledit rapport. En effet, le RNDDH a signalé, au niveau du pouvoir judiciaire haïtien, que l’existence d’une dyarchie (NDLR : une forme administrative où deux dirigeants règnent en position égale sur une société) oblige le CSPJ à administrer son pouvoir avec l’Exécutif qui « lui-même, garde encore sous sa coupe, les greffiers, les huissiers et les commissaires du gouvernement et substituts ». Dans son rapport, le RNDDH a mis en cause les pouvoirs exécutif et législatif qui, selon lui, sont responsables de la crise d’aujourd’hui et, par rebondissement, du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien. « Il est regrettable que les pouvoirs exécutif et législatif considèrent le pouvoir judiciaire comme étant à la troisième place. Ceci constitue un handicap au bon fonctionnement de la plus haute instance judiciaire du pays. Cette situation découle directement de la manière dont les pouvoirs exécutif et législatif traitent le pouvoir judiciaire. L’année judiciaire 2016-2017 a été fortement marquée par de nombreux arrêts de travail initiés par les magistrats et les greffiers pour réclamer de meilleures conditions de travail. Le rapport a par ailleurs souligné les maigres moyens qui ont été attribués au pouvoir judiciaire au cours de l’année passée et qui « ne lui ont pas permis de faire face à ses nombreux problèmes, dont l’inadéquation des locaux accueillant les cours et tribunaux, notamment ceux localisés dans les départements du Sud, des Nippes et de la Grand’Anse, le manque de formation continue pour le personnel judiciaire, etc. ». Entre temps, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) a confirmé la signature, le jeudi 19 octobre, d’un accord de principe avec le ministère de la Justice « sur les principales revendications des magistrats » des 18 juridictions du pays. À la suite de la signature de cet accord, Me Wando Saint-Villier, le Président de l’Association professionnelle des Magistrats, confirme que les juges ont décidé d’observer une trêve, en attendant de voir si l’Exécutif respecte ses engagements dès le mois de novembre, comme prévu dans l’accord. Me Saint-Villier souligne que les magistrats ont accepté ce compromis, afin de ne pas pénaliser davantage les droits des justiciables. Toutefois, il a expliqué que contrairement aux affirmations du CSPJ, ce ne sont pas les principales revendications qui ont été satisfaites et que cet accord n’est qu’un compromis partiel. Il ne permettra pas de résoudre les problèmes structurels auxquels fait face le pouvoir judiciaire, problèmes qui restent pour le moment en attente de la matérialisation des promesses du Chef de l’État, dans un prochain budget rectificatif… Selon cet accord, « une Commission constituée des représentants des parties (ministères de la justice, de l’Économie et le CSPJ) sera formée ultérieurement, en vue d’assurer le suivi et l’exécution de cet accord ». Rappelons que depuis juillet dernier, la justice haïtienne, à travers les 18 juridictions du pays fonctionne par intermittence, en raison de la multiplication de grèves des greffiers, des huissiers et des magistrats qui réclament, entre autres, de meilleures conditions de travail et des augmentations de salaire substantielles.